reede, aprill 28, 2006

Disparus

C'est la fin du rêve et c'est tout dont Apure se souvient. Trois petits enfants sont dans une chambre (l'un d'eux ressemble fort au benjamin d'une fratrie turbulente croisée quelques jours auparavant dans le bus) ; deux d'entre eux meurent, ou disparaissent. Survient le père de ces enfants, un homme minuscule, presque un nain. "Je ne comprends pas ce qui s'est passé... ", dit d'abord cet homme, qui fait les cent pas dans la chambre, tandis que le petit survivant le regarde, muet. "Ils étaient là... Ils n'y sont plus...". Apure s'étonne de cette apathie. Puis le chagrin soudain envahit le petit homme ; il se couche dans un coin de la pièce et pleure avec une intensité terrifiante.

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neljapäev, aprill 27, 2006

Une odeur

Apure se réveille à l'issue d'un long rêve qui laisse principalement une impression de confusion et de médiocrité. Des collègues qui pleurent et vomissent du sang dans les couloirs sombres de l'entreprise, une tablée d'Américains qui se plaignent du nombre d'étrangers à Dusterna, un vieil homme au restaurant qui confond Bailey's cream et cocktails bulgares... Il a cependant le sentiment d'oublier quelque chose de plus grave, un noyau triste au cœur du rêve.
Cela revient un peu plus tard. Alors qu'Apure était dans la rue, avec des amis — ou des collègues — l'un d'eux lui a conseillé de se retourner. Apure a obtempéré. Il y avait derrière eux un camion militaire, bâché, et de la bâche dépassaient les jambes noircies, pourrissantes, d'une demi-douzaine de soldats morts. "Allez, reviens avec nous, et avançons plus vite, ça pue vraiment."

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teisipäev, aprill 25, 2006

En fuite

Au crépuscule, Apure est pourchassé sur les pelouses d'un campus sud-africain. Les policiers sont vêtus de combinaisons bleues et la scène est presque silencieuse. À la nuit tombée, Apure erre encore sur les routes de l'immense campagne du pays. L'horizon luit faiblement, mais il ne sait pas où aller. Enfin, une auto passe sur la route — elle ne s'arrête pas. Le ciel est bouché maintenant ; Apure finit par trouver une habitation dans ce désert humain. C'est plus qu'une habitation — une usine, peut-être ? Une autre voiture approche. Apure se cache. Le père de famille fait sortir sa progéniture. Les voix sont douces, apaisées. De l'endroit où il s'est caché, Apure voit l'intérieur de la propriété — une maison, mais surtout, dans la lumière d'un lampadaire, un petit avion de tourisme, jaune vif.
Apure sort de sa cachette et continue sa route, qui le mène bientôt dans un village. Devant les maisons, des enfants jouent sur les portiques, bien que l'on soit en pleine nuit. C'est un village noir. Apure s'arrête à une table, où trois vieux jouent aux cartes. Maintenant pourvu d'un questionnaire de sondeur, Apure voudrait savoir ce que les messieurs lisent : magazines de pêche, de chasse, cours du bétail et du grain ? Les vieux rigolent.

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esmaspäev, aprill 24, 2006

On the road

Apure, après avoir regardé une comédie américaine des années 30, avec Carole Lombard (grande en son panthéon) et Fred McMurray, Hands across the table (qui pourrait aussi s'appeler Comment ne pas épouser un millionnaire), fait un premier rêve héroïque. Il discute avec son jeune frère dans la cuisine de l'appartement de ses parents, qui donne sur l'entrée de l'immeuble, lorsqu'il voit approcher tout un groupe de militants d'extrême-droite, ceints d'insignes et portant banderoles. Ils viennent, se dit-il, faire du porte à porte. Apure sort de l'appartement ; les militants sont dans le vestibule. "Fichez le camp !" Il lève les bras et commence à hurler."Hou ! Hou ! " D'autres membres de la famille se joignent à lui et les militants en grommelant sortent du vestibule. "Mais vous ne savez pas qui nous sommes !". Voilà un rêve, se dit Apure, qui vous fait sentir courageux à peu de frais.

Plus intrigant : Apure se remet au vélo. Mais celui qu'il a trouvé n'a pas de freins ; il l'essaie sur le parking de la résidence de ses parents (qu'il n'habite pourtant plus depuis des années), et manque écraser quelques passants. Un peu plus tard, il retrouve, sur le canal qui passe en contrebas du parking, quelques personnes de sa connaissance, déjeunant à bord d'une petite péniche. "En route !" La péniche traverse des paysages comme Apure, nostalgique, les aime — mi campagne, mi ville. Dans la cabine, on discute, on mange et on rit. Bientôt la nuit tombe ; apparaît à l'horizon un nuage en forme de poisson, aux liserés colorés. Apure est heureux. La péniche fait escale dans un village désert ; Apure et ses compagnons, qui ne sont plus que deux (une collègue et un homme plus âgé qu'Apure n'identifie pas), s'installent dans une grange où sont dressés deux lits sommaires (ceux-ci sont peut-être une réminiscence de Hands across the table, où Fred McMurray, millionnaire ruiné, passe quelques nuits sur le canapé du salon de Carole Lombard, manucure sans le sou qui cherche à épouser un millionnaire encore doté). Tandis que les compagnons dorment dans le même lit, Apure ne trouve pas le sommeil. Ses deux chats, du voyage, ne cessent de sortir de la grange, et ceci l'inquiète : s'ils se font écraser ? S'ils se font manger par des renards ? Il est difficile de condamner la porte. "Mais viens dormir !" insistent les autres. Apure, à la porte, regarde le village noyé dans la nuit. Les chats reviennent, marchant sur leurs pattes arrières, et lui parlent. "Que crains-tu ?" Les deux sont des enfants qu'Apure a connu autrefois.

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pühapäev, aprill 23, 2006

Un goût d'échec

C'est un rêve dont Apure s'extrait avec une impression de tristesse et d'échec dont l'intensité ne se justifie pas vraiment. Le rêve ne résiste pas à la revisite, il s'effiloche ; pire, il échappe au souvenir. Voilà ce qui surnage : Apure est assis dans une salle de cours, où l'on enseigne le russe. Il sait qu'il s'est inscrit mais ne se souvient pas d'avoir payé. La salle est presque vide, et le professeur n'est pas là. "Je me demande tout simplement ce que je fais ici." Dans la semaine, Apure prend d'autres cours de langue, qui l'intéressent davantage. La fin du cours venu, il range son cahier et se morfond sur son absence de talent linguistique. Le russe, il n'y arrivera jamais, à quoi bon continuer à gâcher ses vendredi soir ? Et le japonais, qu'il apprend par ailleurs, pfu ! Vanité, tout n'est que vanité. Le professeur apparaît : c'est un jeune homme d'apparence aimable. Il est revenu chercher quelque chose qu'il a oublié. "Dites, vous n'auriez pas vu mon... ?" Apure a oublié ce que le professeur de russe avait oublié. Dans les couloirs de l'université, il prend la décision d'arrêter ces maudits cours de russe. Il se réveille après avoir croisé un étudiant unijambiste.

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laupäev, aprill 22, 2006

Turing

Apure ne se souvient plus de la question ni même de qui la pose, mais il sait que la réponse est Turing, et pour appuyer sa démonstration, cherche fébrilement dans une encyclopédie un article sur le scientifique anglais. "Tou.. Twi... Tr... Tubb...", mais pas l'ombre d'un Turing. "Cette encyclopédie ne vaut pas un clou.", dit-il, et de chercher, toujours en vain, d'autres références dans des caisses pleines à rabord de coupures de presse.

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reede, aprill 21, 2006

Evasion temporaire

Le rêve est bref et confus. Pendant une sinistre réunion de service, Apure sort quelques instants pour aller faire des courses. Le supermarché où il se rend est immense ; on y vend des couvertures, des vêtements, de la vaisselle, des livres, dans des rayons étroits et hauts de plafond. Au milieu du supermarché, vision singulière, un petit guichet de vente de 33 tours d'occasion, que dirige une vieille femme au triste visage. Apure ne trouve pas ce qu'il est venu chercher, et revient au bureau insulter ses collègues.

Juste avant cette tentative inaboutie, Apure — c'est peut-être une source d'inspiration — a regardé Funny story 69, une comédie policière thaïlandaise absurde, élégante, et portée par une actrice grande et fluette qui ressemble curieusement à l'une de ses anciennes collègues (laquelle a bel et bien réussi, dans la vie éveillée, son évasion.)

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kolmapäev, aprill 19, 2006

Deuxième saison

Apure dans un cinéma de plein air regarde le premier épisode de la deuxième saison de la série Lost (qu'il ne connaît dans la vie éveillée que de nom). Des visages menaçants se succèdent sur l'écran ; chacune de ces apparitions est accompagnée d'un commentaire en voix off et d'un texte déroulant, décrivant en termes laconiques le passé des personnages. Tous ces personnages sont des assassins et des pervers ; l'un même est un cannibale ; et tous ont été jugés, condamnés à mort et exécutés. "Ah, dit le stupide Apure à voix haute,je comprends. Dans cette nouvelle saison, l'héroïne se rend compte qu'elle est passée du côté des défunts." L'un des spectateurs se retourne : "Dis donc, toi, tu as vraiment besoin de nous vendre la mèche ?".

Autre rêve (la nuit est plus riche encore mais ne restent des autres rêves que des fragments aussi déconcertants que prometteurs."Ai-je jamais rêvé, se demande Apure au matin, que je pilotais un hors-bord sur la Tamise ? Et qui fuyais-je donc ?") : Apure est avec un de ses amis devant une pizzeria, par les caves de laquelle, comprend-il, il faut passer pour arriver dans les bureaux de l'ami. Le pizzaiolo est furieux : l'ami d'Apure lui doit de l'argent et n'a toujours rien payé, ce que nie farouchement l'ami. Le pizzaiolo se radoucit, mais ne les laisse certainement pas passer, puisque voilà Apure et son ami dans les rues animées de la ville. L'ami explique qu'il est en train de travailler sur un projet de série. "Tu sais, on lance des sondes, on fait des profils psychologiques." Apure réfléchit. Lui aussi pourrait travailler sur un projet de ce genre. Un policier ? Il y en a déjà trop. Non, un professeur — un Professeur avec un Lourd Passé. Dans les séries, se dit-il, les héros ont souvent de lourds passés. Ils arrivent enfin à l'atelier. En riant, un des amis de l'ami d'Apure désigne un sac qu'Apure porte en bandoulière."Tu joues à la Poste, maintenant ?" C'est un vrai sac de postier, en cuir bleu. Apure le donne à l'ami ; le sac contient des lettres qui lui sont adressées.

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pühapäev, aprill 16, 2006

Le pont

Apure est, comme souvent ces derniers temps, en vacances avec ses parents. Ils suivent une cohorte de voiture sur une route de montagne enneigée, quelque part dans les Rocheuses. Le père grogne ; il a les embouteillages en horreur. La famille finalement se sépare ; chacun tentera sa chance de son côte, les uns à pied, les autres à vélo. Apure prend sa bicyclette et continue sur le bord de la route. Le vent souffle ; et quoique le ciel soir bleu, il neige. La route se fait étroite ; il faut descendre de vélo. Derrière Apure circulent une troupe de Français qui parlent à voix basse. Apure parvient finalement au pont coupé. Sous le pont, une équipe de sauveteurs est en train de sortir des eaux glauques une femme tombée par dessus la rambarde. Apure insulte ceux qui le précèdent : "Vous n'avez pas honte de vous repaître de ce spectacle affreux ?" Ils lui répondent dans un mauvais anglais, et se moquent de lui."Bastards", hurle Apure, et quelques insultes plus salées encore, dans son meilleur anglais.

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reede, aprill 14, 2006

Le début de l'angoisse

Cet été, Apure doit prendre l'avion — dans la vie éveillée, s'entend : une perspective qui le terrifie, puisqu'il est phobique, et à laquelle il préfère ne pas penser. Elle surgit donc la nuit. Le voilà dans un terminal d'aéroport. Des officiers de sécurité font asseoir les passagers sur des sièges électriques et les envoyent par un long boyau vers l'avion. Le cœur d'Apure ne bat pas plus vite. Il se dirige vers le guichet. Une femme lui demande quelque chose en Allemand. "Ja, ja", dit-il, mais il n'a rien compris. Il s'agit en fait de ce qu'il veut manger dans l'avion, explique une autre femme. "La chose, c'est que je n'ai pas pris l'avion depuis très longtemps, et que je vais avoir peur", répond Apure, le cœur toujours étrangement calme. Il lit cependant sur les visages de ceux qui l'entourent un sentiment de profonde compréhension. "Mais tout le monde a peur... "

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neljapäev, aprill 13, 2006

Vieille flamme

Apure rêve d'une vieille flamme, perdue de vue depuis des années. Tous deux à la cantine d'une université déserte, ils discutent comme au bon vieux temps d'un critique littéraire. " Machin est souvent illisible mais j'aime beaucoup ses enthousiasmes", dit la vieille flamme. "Très juste, ce sont des déclarations d'amour platonique." La vieille flamme sort alors de son sac un mince livre relié à l'italienne, et contenant textes et photos."Je te le donne, tiens. J'en rachèterai un pour moi." Apure troublé se rend compte qu'il a les cheveux trop longs, baisse la tête, louche. La vieille flamme vient s'asseoir de son côté et, piquant du nez dans l'assiette de soupe au vin d'Apure, se met à en laper le contenu. "Mais tu te tiens comme un vrai porc !"

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kolmapäev, aprill 12, 2006

Un sacrifice

C'est la toute fin d'un rêve dont Apure n'a pas d'autre souvenir... Ah, si, les images lui reviennent maintenant. Voici donc, la fin d'abord. Un homme et une femme ont pris place dans un petit avion d'antique apparence ; l'homme, qui pilote, tient un cierge allumé à la main. " Allons-y, ma belle. " L'avion décolle et va s'écraser quelques moments après le survol d'un océan dans la façace luisante d'un gratte-ciel. Apure voit tout cela de l'extérieur ; sa vision cependant s'affine et pénètre dans le trou qu'a laissé ce suicide amoureux dans le bâtiment. Des enquêteurs s'affairent.

Et voilà ce dont Apure vient de se souvenir. Il est dans la maison de son grand-père paternel ; la municipalité a organisé un défilé de dinosaures. Ils passent, raides, dans les rues. Soudain l'un d'eux s'anime : il ressemble à une sorte de gros chien, et projette sur un des autres dinosaures un jet d'urine. Les dinosaures courent en tous sens, et les habitants de cette banlieue tranquille commencent eux aussi à s'affoler.

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esmaspäev, aprill 10, 2006

À Perpignan

Apure est en vacances en France, à Perpignan. C'est du moins le nom que les gens qu'il rencontre donnent à la ville. C'est la fin de l'été ; un dimanche après-midi. Accompagné de toute sa famille, il entre dans une église, sans doute pour en admirer les scultpures. Une curieuse cérémonie est en cours, à la fois messe d'enterrement (le mort est un homme d'un certain âge, au physique de général espagnol) et défilé de statues vivantes, descendues, apparemment, des colonnes de l'église. La famille allume quelques bougies, ramasse de la documentation religieuse, et quitte le sanctuaire.
Apure se retrouve seul dans les rues de Perpignan. Est-ce la nuit ou le jour ? Il se promène désœuvré sur la grand-place de la ville, vaguement animée par quelques cafés et un orchestre sous kiosque, dont tous les musiciens sont vêtus d'uniformes rouges. Apure décide qu'il n'aime guère Perpignan et le dit à son père, qu'il retrouve un peu plus tard. "Tu n'aimes jamais ce qui t'est proche", dit le père. "Je n'avais jamais pris conscience de la proximité de Perpignan avec Dusterna", répond Apure avec une précision pédante dont il est sottement fier.
Un peu plus tard, le voilà à nouveau seul dans la ville. Il sait qu'il doit rentrer à Dusterna et qu'il doit avant cela faire des courses, pour une réception qu'il a organisée à son retour. Il cherche donc un commerce ouvert dans Perpignan. Dans une ruelle sombre, une flèche clignotante indique l'entrée d'un petit supermarché. Devant lui, quelqu'un pousse la porte du magasin sans vitrine. Apure suit, et se retrouve dans une petite cuisine baignée dans une lumière sordide. Il ouvre le réfrigérateur ; le contenu, également peu ragoûtant, lui donne cependant l'idée de cuire des lasagnes. Au fond de la cuisine, une autre porte ouvre sur une usine agro-alimentaire, complètement déserte. Apure finit par voir une nouvelle flèche, qui donne le supermarché à un quart d'heure de marche à pied du lieu où il se trouve. Dans la rue nocturne, une jeune femme le prend en stop. Le supermarché indiqué est en fait un énorme magasin de périphérie. La jeune femme lui parle d'amis communs. Apure décide de remettre ses achats au lendemain.
La même nuit, avec l'aide seulement de la radio, Apure fait deux autres rêves bien plus courts.
La mère d'Apure regarde par la fenêtre les montagnes, baignées de soleil. "Demain, mon cœur, fais attention.". "Pourquoi ?" Apure ne comprend pas l'agitation de sa mère ; les collines sont si calmes. "Il y aura des batailles", dit-elle, les larmes aux yeux. "Toi aussi, maman, alors, fais attention."
Et ceci : dans une cuisine également ensoleillée, des enfants jouent à se mettre des petites culottes et des sacs sur la tête. Apure les aide à se déguiser, en prenant bien soin qu'ils puissent continuer à voir et à respirer.

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reede, aprill 07, 2006

Sur la plage

Apure est malade, à l'hôpital. Rien de grave cependant, puisqu'il continue, tel un ministre de la république, à travailler. Un homme entre dans la chambre et propose un marché. C'est un petit homme aux jambes rasées, horriblement lisses et roses, qui porte un short couleur chair, très court, une perruque blonde et de grosses chaînes en or autour du cou. Il veut, pour mieux expliquer sa démarche, s'asseoir près d'Apure, dans le lit. Apure se lève et d'un long bâton souple frappe le petit homme.
Dans les couloirs de l'hôpital, Apure retrouve des amis, ou des parents, avec lesquels il part au bord de la mer, après leur avoir raconté en termes comiques sa rencontre mouvementée avec le quémandeur grimé. Le ciel est gris, la plage triste. Là où vient la mer, de grosses langoustes descendent prudemment vers les vagues. Une belle femme brune, toute habillée, trie des bulots. A. trouve sur la plage, étalés sur des mètres, les restes d'un grand poisson cartilagineux. Cette mer, à ce qu'il semble bientôt, n'est qu'une apparence. "Regardez bien", dit un maître de cérémonie. Au dessus des vagues lourdes, on voit en effet un éclairage artificiel, un plafond bas en béton. Le maître baisse un interrupteur : la plage et la mer ne sont plus qu'un garage souterrain. Un habile jeu de lumière, combiné à la forme des voitures, a créé l'illusion.

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neljapäev, aprill 06, 2006

Words, words, words

Apure se souvient d'avoir appris il y a quelques années dans un ouvrage du professeur Jouvet, spécialiste des rêves, qu'il fallait quelques jours avant que le cerveau traite une impression du temps de veille (c'est peut-être une reconstruction, ou un mal-lu). Cette nuit, cependant, après avoir regardé la moitié à peu près de A bit of Fry and Laurie, une production logorrhéique et joliment absurde de la BBC, il a rêvé de façon répétitive et légère de Laurie, l'un des deux comédiens, en boxer rose pâle, chemise et cravate.

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kolmapäev, aprill 05, 2006

Zigeunerweisen

Suzuki, c'est le bonheur. Ses films ont beau finir presque toujours en catastrophe — suicide, assassinat, explosion, emprisonnement, émeutes fascistes, ils ont une façon d'imiter la vie — ou plutôt ce qui fait son charme — mille fois plus convaincante que toutes les daubes naturalistes dont le cinéma contemporain, sous influence télévisuelle (vous pouvez vous moquer : Apure, qui n'a rien rêvé cette nuit dont il se souvienne, a réfléchi au petit matin) semble s'être fait une spécialité. Zigeunerweisen fait partie, avec Yumeji et Kagero-za de la trilogie Taisho, réalisée entre 1980 et 1991. Un groupe amoureux (trio, quatuor ou quintette, selon les moments) se torture à petit feu dans un décor toujours humide. Ces malheureux s'égarent ; ils entendent des voix ; et trois aveugles bariolés (eux aussi triolistes) traversent de temps à autre le paysage en bramant d'absurdes chansons pornographiques. Les symboles ne vivent jamais très vieux chez Suzuki ; à peine repérés, ils meurent comiquement étouffés par la force primaire de l'image.

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esmaspäev, aprill 03, 2006

Double visite

Apure cette nuit est chez le médecin, une femme au regard soucieux. " Mais pourquoi voulaient-ils vous voir à l'hôpital Machin ?". Drôle de question, se dit Apure. Le médecin devrait savoir ce que j'ai. Entrent dans le cabinet de consultation des médecins en blouse, des infirmières, qui poussent un petit lit médical. Sur ce lit, qui ressemble à une grande couveuse, ils ont déposé un fourreau de plastique fin qui a la forme d'un corps de petite taille. " Que se passe-t-il ?" Apure est curieux, et sans doute aussi soulagé, puisqu'il s'agit d'un autre malade. Le malade en question est une petite fille brune que les médecins essayent de coucher dans le lit. Elle regarde Apure par la vitre. "Que va-t-on lui faire ?" "On vous expliquera plus tard", dit un des médecins d'un ton plutôt aimable. La petite fille ne tient pas en place, et finit par tomber du lit. Apure aide les médecins à la coucher. Le mot (sans doute inexact) d'hématophérèse lui vient à l'esprit. Un peu plus tard, l'enfant repart toute seule. Elle a les cheveux plus longs et plus abondants, et la peau plus sombre qu'à son arrivée dans le cabinet. Apure, fatigué sans doute, s'endort ; lorsqu'il se réveille, le premier médecin est encore là. "On va peut-être pouvoir parler, maintenant ?" Il fait nuit ; tout le cabinet est plongé dans une obscurité urbaine, mélancolique.

Yumeji finit sur une illustration. Apure croit comprendre que le film fonctionne comme une gravure sur bois ; les blocs de couleurs, les personnages, viennent s'appliquer mystérieusement sur l'image, les uns après les autres. Yumeji lui-même est à la fois l'organisateur du film, et son cœur vide. Assis, quelques minutes avant la fin, sur un tatami, Yumeji médite sur ce qui lui arrive. "Est-ce le deuxième rêve (Yume-ji) ou le troisième (Yume-zo) ?".

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laupäev, aprill 01, 2006

Choses sans nom

Apure n'est pas mécontent de ses efforts mentaux. Ce matin, rien ne revenait de la nuit. Après quelques exercices, il a remis la main sur les lambeaux suivants. Une réunion de famille dans le salon de la maison de ses grands-parents paternels : une foule de dames qu'il ne connaît pas, et qui serrent maladroitement les mains qui se tendent. Apure discute avec une petite fille qui tient à la main une petite poupée dont on peut changer le visage. Mais l'enfant est la poupée elle-même, et à la fin de la conversation, soulève une de ses peaux pour révéler un crâne minuscule, en plastique vert.
Un peu plus tard, Apure se rend au bureau, transformé pour l'occasion en centre de vacances. Il passe dans les couloirs une serviette à la main et l'un de ses collègues remarque sur un ton envieux : "Dis donc, ça sent vraiment l'impôt, ça !". Apure finit par comprendre que ce jaloux le trouve trop luxueusement vêtu. Dans le rêve, croit-il se souvenir, il porte un justaucorps de tricot de soie rouge et des collants gris. Les salles de bain du centre de vacances sont inondées.
Enfin, dans un autre rêve, Apure veut acheter une revue de cinéma à un kiosquier de l'Esplanade. Au lieu de lui donner le nom de la revue, c'est le titre du film (oublié, celui-là aussi) qui vient. Mais le kiosquier est compréhensif. Puis, pendant qu'un gamin tripote les vis qui tiennent en place l'étalage du kiosquier, Apure cherche autre chose à acheter. Mais pour un kiosquier, l'homme n'a pas grand choix. Le vent souffle sur l'Esplanade et soulève des nuages de poussière.
Nouvelles de Yumeji : le mari de la veuve n'est pas mort et continue de menacer Yumeji ; un autre homme, Gyoshi, s'intéresse à cette femme belle et malheureuse ; l'assassin des montagnes descend dans le village sur un cheval blanc, la faux à la main ; l'adolescente tuberculeuse s'évanouit dans une gare ; on la conduit chez le mari de la veuve, que celle-ci n'a pas voulu reconnaître, et qui n'a plus de nom.

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