reede, mai 12, 2006

Visite au cimetière

Apure se rend avec d'autres personnes sur la tombe d'un enfant ; ils emportent des fleurs, des narcisses sauvages, cueillis dans les champs. La tombe est facile à trouver dans le petit cimetière. Ses abords sont dégagés et un projecteur l'éclaire encore un peu plus. Curieuse tombe, tout de même, se dit Apure, pourtant saisi par une certaine émotion. Le nom de l'enfant est mentionné (mais Apure ne s'en souvient pas ; il ne peut pas dire davantage s'il s'agit de l'enfant d'un ami ou d'un parent) ; des caractères chinois et des messages sont aussi gravés dans la pierre ; de livres rares sont disposés autour de la tombe. Le cercueil, de bois clair, est encore posé sur la pierre, et l'on peut sans doute voir l'enfant par une petite fenêtre pratiquée dans son couvercle. Apure ne s'y risque pas. Il sort les fleurs sauvages du sac dans lequel elles ont été transportées : les pétales sont écrasés, rien ne peut être sauvé.
Les visiteurs s'installent près de la tombe. Les parents de l'enfant ont laissé sous les bancs une caisse de papiers, de laquelle Apure extrait des pages d'agenda, d'abord petites et brunies, datées de l'année 1956. Quel bond dans le temps, se dit-il, pensant à l'enfant, né et mort au troisième millénaire. Puis des pages arrachées à des revues anciennes, dont certaines sont imprimées sur un papier si doux, si singulier, qu'Apure au matin a encore le souvenir de son contact.

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